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EGLISE CATHOLIQUE LIBERALE


Province de France, de Suisse Romande


et d'Afrique Francophone

    Le Manor à Sydney (photo)

                                Eglise d'Adyar en Indes (photo)

UNE ÉGLISE MONDIALE EN MINIATURE

            

Par feu Mgr André Lhote,Évêque de l’Église Catholique Libérale de France


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Que la civilisation ait un caractère essentiellement religieux est un fait qui dans le monde moderne est un peu perdu de vue. Aussi est-il intéressant de lire, sous la signature d’un académicien, historien non-chrétien, dans le journal " Le Monde " un remarquable article où l’auteur se penche avec sollicitude inquiète sur les symptômes sensibles de désintégration rapide présentés par notre Sœur Aînée l’Église de Rome, envisageant les possibles remèdes à apporter à cette dramatique situation. Même ceux qui appartiennent à des organisations qui, depuis des siècles, ont été en opposition avec la citadelle en apparence inébranlable constituée par l’Église de Rome, ne sont pas les derniers à s’inquiéter, comme si leur propre affirmation avait besoin pour s’exprimer, du contre-appui de leur vieille et indispensable ennemie.


Personne n’aurait le ridicule de comparer un corps constitué dont le nombre théorique de fidèles se chiffre par centaines de millions, avec une poignée que nous sommes. Mais nous avons un trait commun avec la grande Église de Rome, c’est que, répandus certes en faibles communautés dans les cinq parties du monde, en pays islamique, Afrique et Indonésie, comme en pays en majorité catholiques, et aussi dans des pays en majorité protestants, et même dans l’Inde, nous sommes aussi une Église Mondiale, mais en miniature. A cause de cette cohabitation avec des formes si différentes de civilisation, chrétienne ou non-chrétienne, nous avons du faire face à des problèmes différents, et les solutions que nous avons pu y apporter, pourraient peut être, toutes proportions gardées, servir à des corps constitués beaucoup plus importants.


Lorsque le Pape Jean XXIII a annoncé publiquement le besoin d’une " mise à jour " du vénérable corps constitué de l’Église de Rome, beaucoup ont convenu dans leur cœur qu’une telle mise à jour était nécessaire, que peut être même elle avait trop tardé, malgré les dénégations farouches des traditionalistes. Cependant, le successeur de Jean XXIII a pris un grand nombre de mesures - dont la situation actuelle paraît directement découler - mesures que certains estimaient trop hâtives, voire dangereuses. Il est très difficile d’imaginer quel genre de décision aurait pris Jean XXIII s’il avait vécu, de préjuger dans quel sens les réformes qu’il avait en vue auraient été réalisées. Les deux hommes, Jean XXIII et Paul VI sont très différents. Jean XXIII était un homme de sentiment qui laissait sans doute une place à " l’irrationnel de la foi " dans ses jugements, alors que Paul VI, par la faveur qu’il témoignait aux " intellectuels ", indique un désir de rationalisation de l’Église dont la conjoncture actuelle montre qu’elle n’est pas sans danger. Lorsque Pie X, pape mystique, avait condamné le Modernisme, c’était surtout la fureur de rationalisme et de critique introduites dans la religion qu’il voulait condamner. En cela, il eut certainement raison. S’il est vrai que pour être viable, la doctrine religieuse devrait être raisonnable, il est non moins vrai que son avenir n’est pas dans la "démystification " des anciens mythes qui menaient aux arcanes de la vraie Connaissance ou gnose.


Si quelque chose était dépassé par la marche du temps, dans l’Église Catholique, c’était bien sa théologie, bien que les anciens dogmes ne soient plus affirmés d’une manière aussi tranchée que naguère, les affirmations réitérées du pape Paul VI nous apprennent que rien n’y a été changé. On est, de toute évidence, à la recherche d’une nouvelle théologie dont on peut présumer, l’Église étant liée par les décisions des Conciles antérieurs et les proclamations " ex cathedra " des papes, qu’elle ne pourrait être que l’aménagement très laborieux de ce qui existait déjà. Les théologiens sont, n’en doutons pas, à l’œuvre. Sans doute est-ce la raison pour laquelle on a pris le parti de diluer les anciennes affirmations en attendant qu’une doctrine raisonnable, compatible avec les données irréfutables de la science et les exigences de la pensée rationnelle, et ne remettant pas en cause les définitions antérieures de la Foi puisse être proposée. Autant dire que c’est l’impossible qui est ainsi recherché.


Nous-mêmes, en tant qu’Église Chrétienne moderne, avons été dès notre fondation, confrontés avec le problème de la Foi, et avons, dès la proclamation de notre nom d’" Église Catholique Libérale ", opté courageusement pour la liberté individuelle d’interprétation de l’Écriture et de la Tradition chrétienne. Nous avons un enseignement, comme il ressort de la lecture de nos documents officiels, basé sur la recherche implicite d’une théologie de l’Immanence de Dieu dans l’être humain, mais cet enseignement n’est que proposé et non imposé. Actuellement, beaucoup de chercheurs sincères en arrivent à cette conclusion que Dieu est la fondation de notre être, sa nature intime. Si une telle proposition était admise par les églises chrétiennes, il pourrait y avoir une espérance d’un renouvellement complet de la Foi chrétienne, l’évanouissement de la crainte, le perfectionnement spirituel de l’être humain devenu le but déclaré de la religion, invitant enfin à oser réaliser les appels à la perfection que se trouvent dans le Nouveau Testament, appels auxquels des générations de chrétiens sont restés insensibles, demeurant figés dans une conception judiciaire du salut. Pour des théologiens désireux de faire vraiement du neuf, il s’agirait en somme de proposer un système établi sur une définition nouvelle de la nature humaine, définition qui d’ailleurs peut trouver un fondement dans l’Écriture.


Mais une telle recherche de nouvelles - et sans doute très anciennes - voies pour la pensée chrétienne, rend nécessaire l’abandon d’un conformisme rigide à l’égard des définitions des Conciles Œcuméniques. L’événement qui, à longue échéance, a bouleversé la théologie traditionnelle, est la découverte de l’héliocentrisme, découverte qui a étendu à l’infini les limites du monde connu, et rendu bien improbables les interprétations mesquines de la Nature et des Attributs de Dieu, qui semblaient évidemment moins inadéquates dans l’univers rétréci que concevaient les anciens. Une autre découverte devrait apporter par elle même un élément considérable de renouvellement, celle de la structure de l’atome, qui nous apprend que les formes de la matière que l’on avait crue éternelle, pouvaient se résoudre en énergie. Ceci ouvre une perspective nouvelle à la doctrine de la création : celle-ci est un acte continu, et l’existence des choses, due à cette énergie constamment déversée, se rattache au Sacrifice Cosmique de la Vie du Verbe, l’Agneau Immolé depuis la fondation du monde, selon l’expression de l’apocalypse, dont le " sang répandu pour la multitude " est cette énergie même, la Vie divine immolée pour nous.


La Religion ne peut pas être en conflit avec les vérités indiscutables qui sont révélées au monde. Elle ne peut pas non plus limiter sa " vision du monde " ou théologie aux formulations de foi proclamées en un temps où l’ignorance de certaines vérités devenues fondamentales, ne permettait pas que ces dernières soient adéquates aux réalités. Une philosophie de la vie qui demeurerait indépendante des faits ne serait qu’un raisonnement vide. Il nous faut donc admettre que, sans que des répudiations formelles des anciens dogmes soient nécessaires, ceux-ci ne devraient plus gêner la recherche de la vérité, recherche suffisamment ardue qu’on vienne la compliquer en la contraignant à la nécessité de ménager le passé.


Instruits par nos fondateurs, NN. SS. Wedgwood et Leadbeater, de la notion de la possibilité pour tous d’expérimenter les faits de la vie spirituelle, nous nous sommes aperçus que les anciens rites catholiques, aménagées dans une réforme liturgique demeurée très conservatrice en ce qui concerne les structures, mais très exigeante en ce qui concerne leur contenu, et en ne permettant pas que demeure dans la liturgie un seul élément qui soit en opposition avec l’esprit du Nouveau Testament, conservaient toute la puissance de leur valeur mystique encore exaltée par le retrait de la liturgie de toute formule de crainte vis-à-vis de Dieu, d’appel à Sa piété. Nous n’avons donc pas suivi l’Église de Rome dans ses réformes liturgiques qui vont bien au-delà de la substitution du français au latin, et que nous estimons mutilantes. En fait, dans l’Église de Rome, personne, et surtout pas les fidèles, ne demandait que tant d’éléments assurant la validité des rites aient été sacrifiés à un besoin de simplification et de rationalisation excessives, qui n’a pour tout mérite que de rapprocher le Catholicisme du Protestantisme. Mais l’œcuménisme est-il cela ? Si le sel perd sa saveur, qui donc la lui rendra ?


La question du mariage des prêtres, qui tourmente indûment notre Sœur Aînée, a été résolue dès notre origine à la manière Anglicane : dans l’Église d’Angleterre, des évêques qui sont réellement consacrés, des prêtres ordonnés, sont libres de choisir entre le célibat et le mariage avant ou après leur ordination sacerdotale. N’oublions pas que dans les temps primitifs de l’Église le célibat ecclésiastique était l’exception et le mariage la règle générale. Les textes significatifs des Epîtres montrent l’importance du mariage sacerdotal, puisqu’il semble bien que Diacres et Evêques (et sans doute aussi les prêtres) étaient choisis en fonction de la façon dont il dirigeaient leur famille, et en fonction des qualités morales et sociales de leurs épouses. S’il peut y avoir des raisons d’ordre psychologique à ce qu’un prêtre soit marié avant son ordination, les mariages arrangés et l’on dit qu’il y en a qui sont bâclés, comme ils se pratiquent dans l’Église Orientale, présentent de bien plus graves inconvénients. C’est pourtant à cette formule que se rallierait l’Église de Rome si elle venait à modifier son attitude sur ce point (diacres et prêtres peuvent se marier avant leur ordination, les évêques sont choisis parmi les moines qui sont, de facto, célibataires). Notre expérience du mariage laissé au libre choix du prêtre nous paraît la solution la plus sage.


Dans les anciens temps, les prêtres et les évêques étaient généralement issus des communautés qu’ils servaient. Cette pratique avait beaucoup d’avantages, et c’est celle que nous avons du adopter, puisque nous recrutons notre clergé sur place. Dans la Province de France dont je suis responsable, nous avons adopté le principe d’une double licence du clergé : licence d’exercice et licence d’enseignement. Seuls les prêtres ayant acquis auprès de nos autorités cette licence complète, peuvent enseigner par eux-mêmes et être mis définitivement à la tête d’une paroisse. Ceux qui ont la licence d’exercice, conférée à l’ordination à la prêtrise sont instruits dans les rites et dans les responsabilités attachées à la dispensation des sacrements. D’autre part, ayant découragé la pratique de la confession fréquente, réservant celle-ci aux cas graves, nous nous trouvons très bien de l’ancienne coutume de la confession collective suivie d’une Absolution Générale. Erudit ou non, un bon prêtre est toujours un homme au cœur simple. Le bon sens, pour guider les âmes, est supérieur aux connaissances théologiques, l’expérience de la vie facilite la connaissance du cœur humain. Notre grande sœur pourrait résoudre son problème sacerdotal en ordonnant dans chaque paroisse des hommes mariés de bonne réputation pour assurer la dispensation des sacrements, réservant les cures importantes et les doyennés à des prêtres ayant une formation théologique plus poussée. C’est l’ordination sacerdotale qui fait le prêtre, et non l’érudition. Le sacrement modifie la conscience du prêtre. Il est rendu apte à faire monter à travers cette conscience transformée, les aspirations spirituelles de la communauté, et aussi à faire descendre les bénédictions célestes. C’est là le vrai rôle du prêtre. Beaucoup de nos prêtres, sans doute à cause de la parfaite adaptation de notre liturgie aux besoins spirituels de nos communautés et de la vivante participation de celle-ci, ressentent presque physiquement le fait qu’ils sont traversés par des courants ascendants et descendants, que c’est à travers eux et en eux que s’opère le brassage de conscience qui permet la réalisation de l’unité spirituelle de la communauté, ce qui est l’un des buts du culte en commun.


Lorsqu’un prêtre a compris ce rôle important de sa fonction vis-à-vis de la communauté, il en a compris l’essentiel. Son dévouement, sa consécration, son désintéressement le rendent plus apte à le remplir, que des connaissances livresques que les premiers prêtres chrétiens, ceux qui ont fait la conquête spirituelle du monde antique, ne possédaient pas.


Nos prêtres sont, par nécessité, des ouvriers-prêtres, en ce sens que du clerc à l’évêque, ils doivent gagner leur vie et celle de leur famille, par leur travail. Par leur existence même, ils démontrent que cette double activité, difficile certes, est possible. S’il leur arrive d’être des " prêtres ouvriers ", leur rôle est alors d’arracher leurs compagnons de travail au matérialisme, en dehors de toute considération politique et non d’attirer l’attention de ceux-ci vers eux, dans le but illusoire de les ranger à la vie spirituelle par des prises de position spectaculaires qui ne sont pas toujours appréciées de leurs camarades qui, sentant qu’ils ont toute l’Église et sa puissance derrière eux, ont du mal à croire à la sincérité de leur engagement.


L’Église Catholique Libérale a déclaré officiellement s’abstenir de toute ingérence dans la vie politique et sociologique en tant qu’organisation. Cela devrait sembler évident à toute Église, car l’Église doit unir et non diviser. La prise de conscience par l’homme des dures réalités de la vie sociale, doit être individuelle pour avoir pour chacun une vraie valeur. Si l’Église prend position politiquement, et intervient dans la vie syndicale très politisée dans notre pays, en tant qu’organisation, elle semble exclure par là d’elle même toute une catégorie d’individus, comme dans le passé, par un engagement en sens inverse, elle semblait en exclure une autre. C’est la prédication de l’Évangile qui doit faire prendre conscience de leurs responsabilités aux individus de toutes classes, chacun individuellement dans son cœur. Car le problème humain est un problème individuel. C’est le perfectionnement de l’individu qui rendra la société parfaite, et ce perfectionnement est l’affaire de la Religion.


Dans les relations avec les autres Églises, il est essentiel que disparaisse la notion d’hérésie, non pas seulement dans les mots en la dissimulant sous le vocable lénifiant d’ " erreur ", mais en se refusant à porter un jugement sur autrui à cause d’une différence d’opinion. Quelles que soient nos opinions, la Réalité de Dieu les transcende à un tel point qu’elles ne valent pas la peine d’une querelle. Dans l’Évangile, le Christ a montré qu’il attachait peu d’importance aux opinions, mais qu’il attachait la plus grande importance aux actions, comme nous le montre la scène du Jugement dernier (Mat XXV 35-46). L’effort pour vivre l’Évangile en actions peut être le même pour tous les chrétiens, qu’ils soient catholiques ou protestants. Le Christ s’est prononcé pour l’ouverture la plus large en donnant la primauté à la réalisation de la fraternité humaine. C’est pourquoi, sans attendre rien de leur part, nous accueillons à la participation des sacrements tous les chrétiens qui s’en approchent avec respect. Même s’il ne croit pas à la présence objective du Christ dans l’Eucharistie, un Protestant qui prend la communion à l’un de nos offices, reçoit la grâce de cette présence, puisque celle-ci est de nature spirituelle et que le monde de l’Esprit est au-delà du monde de la pensée.


Bien plus, estimant que les sacrements peuvent être considérés comme perpétuant la présence du Christ parmi les hommes de tous les temps, nous croyons pouvoir admettre à la participation des sacrements qui n’impriment pas un caractère, les " croyants du Livre ", fils d’Abraham, Juifs et Musulmans. Au Pakistan, l’un de nos évêques a célébré la messe devant une communauté en majorité musulmane, et tous ont communié. Nous allons plus loin encore. Puisque le Christ est le Berger de toutes les Bergeries, qu’Il a accordé Ses grâces aux Gentils, nous ne refusons pas cette Présence du Christ à ceux qui la désirent. Notre expérience mondiale nous a permis de trouver des solutions originales à bien des problèmes qui tourmentent encore nos autres frères chrétiens.